Jour 4 - Suomunruoktu et Vintilätunturi
Premier réveil sous la tente
La nuit s'est bien passée. J'ai réussi à trouver le sommeil rapidement malgré la situation. Étrangement, je suis plutôt détendu ce matin. Je n'ai pas eu le petit coup de blues qu'il m'arrive assez souvent d'avoir le premier soir lorsque je pars à l'aventure. Il faut dire qu'avec tous mes pépins, je n'ai pas trop eu le temps de penser.
En regardant mes trois bouteilles d'un litre d'alcool complètement inutiles, je me suis dit que c'était tout de même dommage et qu'il devait bien y avoir une solution. Ça reste du carburant, ça crâme ! Il doit bien y avoir moyen de l'utiliser ! Puis, je me suis souvenu de mon ami Camille qui fait de l'astrophotographie (https://www.camilleniel.com/), adepte du MUL (marche ultra légère) et qui est tout le temps en train de venir nous taquiner avec son histoire de réchaud qui ne pèse même pas dix grammes. Son réchaud ? Une canette de coca coupée de moitié au fond de laquelle il met de l'alcool à brûler. Et si je faisais pareil ? Bon ... sauf que là, je n'ai rien en aluminium qui pourrait servir malheureusement. Mais ça reste une idée.
Je n'ai vraiment pas envie de me taper un aller retour à l'hôtel et de repasser encore deux fois aux mêmes endroits. Je me décide alors à plier le camp, puis à continuer mon trajet, au moins jusqu'à la prochaine cabane, pour voir s'il y'a une gazinière. Celle de Suomunruoktu est à environ une ou deux heures de marche d'ici. Ça me laisse le temps de me retourner au cas où je n'y trouverais pas ce que je cherche. Et dans le pire des cas, j'ai encore du gaz pour ce soir.
À ce moment là, j'ai ressenti une certaine fierté, de me dire que malgré l'adversité, je n'abandonnais pas. Que je cherchais à tout prix des solutions et que je ne baissais pas les bras. Ça m'a remonté le moral et donné de l'énergie. Les épreuves que j'ai subies jusque là, elles m'ont bien embêté. Vraiment ! Mais je sais que si j'arrive à les surmonter, je serai d'autant plus fier de mon périple.
Suomunruoktu
Sans surprise, replier le camp m'a pris beaucoup de temps. Ma nouvelle tente est beaucoup plus rassurante que la précédente, mais elle est aussi beaucoup moins évidente à monter / démonter. Je me suis mis en route un peu avant 10h avec pour objectif la cabane de Suomunruoktu.
Assez rapidement, j'ai commencé à croiser d'autres randonneurs qui allaient dans l'autre sens et finissaient leur escapade en rentrant sur Kiilopää.
Une dame m'a rassuré après lui avoir expliqué ma situation : toutes les cabanes qui sont marquées comme "open wilderness hut" sur la carte (c'est à dire toutes celles que j'avais notées), sont équipées d'une gazinière en libre service. Ouf ! Au moins, je pourrai compter là dessus pour pouvoir continuer mon séjour. Me voilà rassuré. Ce n'est pas parfait comme situation, mais j'évite le pire. Elle n'a en revanche pas de canette ou boîte en aluminium à me donner pour que je puisse me bricoler un réchaud à essence. Mais elle m'informe qu'il y'avait pas mal de monde à la cabane et que peut-être que quelqu'un pourra me dépanner.
Un peu plus loin j'ai croisé un groupe de trois jeunes gars. Comme ils rentraient et qu'ils n'en avaient plus besoin, ils m'ont donné une bouteille de gaz qu'il n'avait pas utilisée. Génial ! Ça me permettra de tenir éventuellement deux ou trois jours sans avoir besoin des cabanes. Les choses s'arrangent. J'ai bien fait de continuer.
Le chemin reste toujours facilement praticable. La trace est bien faite, bien tassée. C'est relativement plat, ça avance bien. Je passe dans une grande forêt de pins, en longeant la petite rivière.
Aux alentours de midi, je suis arrivé à la cabane. Vide. Tout le monde était déjà parti.
La partie de droite est réservable. Elle est fermée à clé. On peut la réserver à l'accueil du centre touristique à Kiilopää. La partie de gauche quant à elle est ouverte à tous. Elle possède grosso modo le même équipement. La partie de droite est destinée à ceux qui veulent être sûrs d'avoir une place et qui ne souhaitent pas forcément se mélanger avec les autres. Des petits groupes par exemple.
A l'intérieur, une petite table avec un banc de chaque côté. Un poêle à bois avec quelques bûches fraichement amenées de la réserve par les derniers occupants. Il est d'usage d'aller remplacer ce qu'on a consommé. Dans le fond, deux niveaux de couchettes qui permettent de faire dormir je dirais six à huit personnes. Peut-être plus en serrant un peu. Et sur le côté, ce qui va me sauver : la gazinière ! Je la teste, elle démarre. Parfait ! Ouf !
Je passe à l'étape suivante de ma quête : trouver quelque chose pour pouvoir brûler mon alcool, au cas où. Je sors donc de la cabane pour aller voir ce que je pourrais trouver dans les autres bâtiments : la réserve de bois et des toilettes sèches.
A peine dehors, je me fais voler autour par deux beaux oiseaux, de la taille d'un gros merle. Totalement inconnus au bataillon pour moi ! Ils ne sont pas peureux, ils auraient même tendance à être curieux. Ils sont gris sur le dessus, rouille sous le dessous, avec une tête marron. Ils ont un chant très timide, à peine audible, mais sacrément mélodieux. Je me dépêche alors de monter mon téléobjectif sur mon appareil photo. Toi mon petit père, j'espère que je n'ai pas traîné tes 3.5kg jusqu'ici pour rien ! Tu as intérêt à servir ! Malheureusement, le temps d'être prêt, mes deux volatiles en ont profité pour aller voir ailleurs. Tant pis. Je laisse le téléobjectif monté. Je n'ai pas envie de rater encore une occasion.
J'ai repris ma recherche d'un objet en aluminium. Dans la réserve de bois, un filet pendouille accroché à l'entrée, avec des déchets dedans. Je regarde vite fait, mais ne trouve rien. Je vais pour continuer mon chemin, mais ... je me dis "Non ! Regarde mieux". Elle m'avait complètement échappé, mais tout au fond, il y avait une canette, de bière ou de soda ou je ne sais quoi, mais qu'importe. Parfait !
Je l'ai découpée avec mon couteau, puis me suis empressé de bricoler quelque chose avec le pare-vent de mon réchaud pour valider mon idée.
Ça marche ! Houra ! Trop content d'avoir finalement trouvé une solution !
C'est lent. Très lent. Mais ça fonctionne. J'arrive à faire fondre de la neige là dessus. Pas sûr que j'arriverai à la faire bouillir, mais au moins j'arrive à la fondre et à avoir de l'eau un peu chaude. Dans tous les cas, ça pourra me dépanner en cas de besoin.
Au moment de retourner à la cabane pour me préparer à manger, mes deux amis à plumes sont revenus me rendre visite. Merci les gars ! La chance commence à tourner et il était temps !
En plus d'être photogéniques, ils sont assez coopératifs, venant même jusqu'à se poser trop près de moi pour que je puisse les prendre en photo.
D'après les recherches que j'ai pu faire après mon retour, il s'agit de mésangeais imitateurs, ou siberian jay en anglais. Ils sont de la famille des corvidae.
On peut voir que l'un d'eux est bagué. Il a dû être attrapé et étudié un jour par un organisme de protection des oiseaux.
Ils ont fini par partir, alors je suis rentré dans la cabane pour manger et profiter du peu de chaleur qu'il restait suite au passage des précédents visiteurs. Pour ce midi, ce sera un repas simple. Semoule avec de la viande séchée et une barre de fruits en dessert.
Direction Tuiskukuru
Me voilà prêt à repartir ! Le ventre plein, les thermos pleins d'eau chaude, pour pouvoir tenir la soirée. En route ! Je prends la direction de la prochaine cabane, celle de Tuiskukuru. Je repars tard, il est fort probable que je ne l'atteigne pas aujourd'hui. Mais ce soir, je peux me permettre d'en être loin vu que j'ai fait le stock nécessaire. Alors en avant !
La suite du chemin ressemble à ce que j'ai déjà vu le matin : je reste dans la forêt.
Il y'a beaucoup de lichen, ce dont raffolent les rennes. Mais ils ne viennent pas jusqu'ici pour le manger. La neige, protégée du vent par les arbres, est beaucoup trop profonde pour eux ici. Pour se simplifier la vie, ils préfèrent vivre à des endroits où ils s'enfoncent moins.
En milieu d'après-midi, je suis passé à côté du petit point pour faire du feu, à Aitoaja. Le stock de bois est vide.
Peu de temps après, la trace s'est mise à monter, pour grimper sur Vintilätunturi. Le chemin diverge par rapport à ce que j'avais prévu sur mon GPS. Me suis-je trompé ? Non ... je ne pense pas, je n'ai pas vu d'autre trace. Ça a tout simplement l'air de faire le tour du petit mont par l'autre côté. J'ai préparé ma carte en me basant sur tous les chemins que je voyais, dont probablement certains qui ne sont utilisés qu'en été. Mais la trace hivernale semble passer ailleurs, alors autant la suivre.
Il est bientôt 17 heures. Le soleil ne va pas tarder à se coucher. Si je ne veux pas planter la tente de nuit, il va falloir sérieusement envisager de poser le camp. Avec la montée, je ne suis pas allé bien vite. Il est clair que je n'arriverai pas à la cabane suivante. J'en suis même carrément loin ! Ce n'est pas surprenant, ça aurait fait beaucoup. Je ne sais même pas comment j'en suis venu à l'envisager. Un excès d'optimisme sans doute.
Je suis dans les arbres, avec une visibilité réduite, un peu dans le brouillard. Ça ne m'enchante pas des masses. Avec le ciel gris au dessus, c'est un peu triste. Ce n'est pas bien bon pour le moral. J'ai repéré une zone bien plate pour poser la tente. Mais je suis quand même allé voir un peu plus loin s'il n'y avait pas mieux. Non ! Je reviens sur mes pas et me pose là où j'avais repéré un emplacement.
Je ne suis pas satisfait car je ne verrai rien cette nuit. Mais au moins je suis à l'abri. Très peu de vent prévu aujourd'hui. Les arbres sont autour pour me protéger du peu qu'il pourrait y avoir. Aller ... tant pis, je trouverai mieux par la suite ! Je vais en profiter pour me coucher tôt. Les dernières journées ont été éprouvantes émotionnellement parlant. Alors ce soir, maintenant que mes problèmes sont résolus, j'en profite pour me reposer, l'esprit allégé.
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