Quelques nouvelles post retour

C'est assez difficile de savoir quels sont mes sentiments réels face à tout cela. Il y a énormément de frustration c'est sûr. C'est toujours les montagnes russes dans ma tête. Évidemment, ce que je ressens est beaucoup moins fort que lors des premiers jours après mon abandon, je ne suis plus atterré comme j'ai pu l'être au début. Mais ça reste assez étrange comme sensation. Je sais que j'ai fait et vécu des choses incroyables, que je me suis surpassé, bien au delà de ce que j'aurai pu m'imaginer faire il y a encore quelques temps. Et pourtant, tout cela me parait déjà très lointain. Au final, je n'ai pas vraiment eu le temps de savourer, car dès ma première victoire en arrivant à Vakkotavare et finissant ainsi la première partie de la Kungsleden, les mésaventures se sont enchaînées. Le bus annulé pour pouvoir continuer sur la partie suivante, ma blessure me contraignant à sortir du parcours et m'immobilisant pour plusieurs jours, puis pour finir, l'abandon définitif. Alors au final, j'ai du mal à voir tout le positif qu'il y avait avant tout cela. Il est là, je sais qu'il est là, mais il est comme écrasé par toutes les misères de fin d'aventure.

J'arrive quand même à en profiter un peu et à me rendre compte de ce que j'ai vécu en travaillant sur mes photos et sur le petit film que j'essaye de faire. En les voyant je me dis "Ouais ... tu as fait ça !" et ça fait du bien.

Mais si peu de "rendement" par rapport à tout l'investissement que j'ai mis dans cette aventure, ça fait quand même de la peine. On m'a dit plusieurs fois "ne le prend pas comme un échec". En fait, je ne le vois pas du tout comme ça. C'est la faute à pas de bol comme on dit. Personne n'y peut rien, surtout pas moi. Du coup c'est surtout de la frustration et de la déception que je ressens.

Je repense souvent à ce rêve que j'ai fait lors de ma nuit au refuge de Sälka. Je l'avais pris pour un avertissement, pour me motiver à aller au bout, alors qu'en fait il était on ne peut plus prémonitoire. Ce côté enfermé tout seul chez moi, avec personne dehors et ce petit air d'apocalypse ... j'avais tapé pas loin de la vérité.

Malgré le fait qu'une bonne moitié de mon entourage me disait que j'étais mieux là bas et que j'aurais dû y rester, même après mon retour (pourquoi ???), le temps m'a montré que j'avais pris la bonne décision et je ne la regrette pas.

Déjà, quelques jours à peine après être rentré, la STF a annoncé la fermeture de tous ses refuges. Il m'aurait donc été très difficile de continuer sans avoir de filet de sauvetage et sans pouvoir "recharger" à la fin de chaque grande étape. Avec ces fermetures, je ne suis même pas sûr à 100% que les bus qui desservent la zone auraient continué de circuler. C'était un coup à me retrouver coincé bien comme il faut avec tout mon matériel à trimballer.

Ensuite, dès le lendemain de mon retour, eh bien je suis tombé malade. On ne sera jamais sûr à 100% car je n'ai pas été testé, mais c'était très probablement le corona. Une version bénigne, je n'ai pas trop morflé et c'est passé relativement vite, mais je n'aurais pas aimé me retrouver avec ça à gérer sous ma tente par -10°. Pareil, je n'aurais pas aimé continuer à me promener avec ça dans les refuges et hôtels suédois. Je ne sais pas comment j'ai pu le choper là bas. Probablement quelqu'un dans un des groupes avec qui j'étais, ou moi même, dans les aéroports à l'aller. Finalement, les suédois paranoïaques avaient bien raison de l'être.

Et puis pour finir, mon vol retour d'origine a été annulé et je n'arrive toujours pas à joindre la Lufthansa pour me le faire rembourser. Alors organiser mon retour dans ces conditions aurait été encore bien plus compliqué.

Donc oui, j'étais mieux là bas quand tout allait bien, que je n'étais au courant de rien, que j'étais confiant sous ma tente, mais non, je ne regrette pas ma décision car c'était clairement la meilleure et elle m'a évité bien des ennuis inutiles.

Et maintenant, je suis confiné tout seul chez moi, dans mon petit appartement. Je n'ai même pas ma minette pour mettre un peu d'animation car elle était en vacances chez mes parents et je n'ai pas pu aller la récupérer. Du coup le temps parait bien long. Heureusement j'ai un grand balcon pour pouvoir prendre l'air. J'ai réussi à amener un peu de nature chez moi puisque j'ai deux couples de mésanges charbonnières qui nichent dans les nids que j'ai installés. Un de chaque côté. J'ai aussi tout un tas d'abeilles solitaires d'espèces différentes qui viennent s'installer dans mon hôtel à insectes. C'est sympa à observer, puis on s'occupe comme on peut hein ! 😀

Niveau professionnel je suis tiraillé entre le besoin de sécurité en ces temps difficiles et l'envie de renouveau dans ma vie. Donc j'hésite énormément entre me retrouver un CDI ou tenter l'aventure en indépendant. Pour l'instant, je n'arrive pas encore à trancher, mais ce serait bien que je me décide, car l'inactivité commence à me peser.

Vivement qu'on puisse à nouveau sortir en tout cas. Je pense que dès qu'on aura le droit, je vais prendre mon sac à dos et ma tente, puis aller me percher quelque part en haut d'une montagne, parce que ça me manque ces bêtises ... beaucoup 😊

À la fin de mes précédents voyages nordiques, je n'avais qu'une envie, c'était repartir. Au bout d'une semaine, j'étais déjà en train de chercher quelle pourrait être ma prochaine destination. Là cette fois-ci, c'est différent 🙂

Ça m'a quand même bien calmé cette affaire et j'ai encore besoin de temps pour finir de digérer tout ça. Puis entre le fait d'être confiné et de ne pas avoir de boulot dans l'immédiat, c'est dur de se projeter.

J'ai regardé récemment le film "Aïlo : une odyssée en Laponie". Ça raconte la première année de la vie d'un petit renne. Les images sont superbes et surtout, j'ai revu à peu près tous les types de paysages que j'ai eu la chance d'observer lors de tous mes séjours nordiques. Ça a rallumé la flamme et m'a donné quelques envies 🙂 Je vous le conseille ce film d'ailleurs, pour les amateurs de grand nord ou de belles images.

Maintenant que j'ai tout le matériel, ça me coûtera beaucoup moins cher à l'avenir de refaire ce genre de séjour. En gros juste le billet d'avion, les transferts et deux ou trois nuits à l'hôtel. Alors je pourrai me permettre de faire une semaine par ci par là plus facilement. Je me garde les gros voyages plus onéreux et organisés pour des destinations moins accessibles comme le Svalbard ou le Groënland. Il faudrait aussi que je me mette à explorer ces destinations l'été. Ça fait des années que je dis que je veux voir le soleil de minuit et je ne l'ai toujours pas fait. Et puis évidemment, aller voir ailleurs un peu, parce que même si j'adore le grand nord, il n'y a pas que ça non plus 🙂

Mais bon, pour le moment, je laisse aller, on verra bien comment les choses progressent pour la suite.

Je reviens dans quelques jours avec un article pour faire un petit bilan plus de l'aventure en elle même, sans sa fin chaotique.