Jour 10 - Rautulampi

Après cette nuit d'aurores complètement folle, c'est une nouvelle journée qui commence. Elle devrait normalement être facile. Mon objectif, Rautulampi, n'est même pas à 10km de là où je me trouve.
Le 11/04/2022

Un réveil un peu frais

Il est aux alentours de 5h30 lorsque j'ouvre les yeux. En plus de la luminosité ambiante, c'est une certaine fraîcheur dans mon sac de couchage qui m'aura sorti de mon sommeil. Je suis pourtant bien au delà de la température minimum que peut supporter mon duvet, mais je n'ai jamais bien chaud. Allez savoir pourquoi ! Je crois que même dans un sac prévu pour du -20, par 10 degrés, je trouverais moyen d'avoir froid. Je pense que j'ai un problème avec les sacs de couchage. Mais ça reste supportable heureusement.

Je m'extirpe de mon sarcophage pour m'habiller. Houla ! Ça pince ! Ça pince plus que d'habitude ! Une fois les bottes aux pieds, je sors le nez de la tente pour regarder ce que me dit le thermomètre que j'avais laissé accroché à l'extérieur. Je comprends mieux pourquoi je n'ai pas chaud : -17°. Ah ! Je relèverai même du -18 un peu plus tard.

Je ne suis pas surpris. Vu comme la nuit était dégagée, il n'y avait rien pour retenir la chaleur terrestre.

Je connais la musique dans ce genre de conditions : bouger, ne pas rester statique. Le temps de me réchauffer et que mon cerveau finisse de se réveiller, je pars faire quelques allers-retours sur le chemin à côté de la tente.

Tout est givré ! Même ma tête !

Je ne me plains pas. C'est un peu ce genre de conditions que je suis venu chercher. Et puis il n'y a pas le moindre vent, alors ça reste facile à gérer, je me réchauffe vite et garde ma chaleur.

Quelques couleurs matinales commencent à arriver avec le soleil qui monte petit à petit.

C'est pour ce genre de conditions que j'ai signé ! 😊

C'est rude à cause des températures, mais c'est aussi doux en même temps. De belles couleurs, une ambiance apaisante où il n'y a pas le moindre bruit.

Je prends mon petit déjeuner et replie le camp, encore une fois sans trop me presser. Mon premier objectif du jour est d'atteindre Rautulampi, mais je suis large au niveau du temps, alors j'y vais relax. Je ne sais pas trop ce que je ferai une fois que je serai là bas. Peut-être que je continuerai un peu si ça ne m'inspire pas. Peut-être que je m'y arrêterai. Je verrai. Le scénario le plus probable est que j'y plante la tente, que j'y reste une nuit ou deux, puis que j'aille passer une dernière nuit dans la zone où j'avais posé mon premier camp, en direction de Suomunruoktu.

Lankojärvi ... encore !

Avant de me lancer pour de bon vers Rautulampi, il faut que je passe encore une fois par la cabane de Lankojärvi pour faire le plein en eau chaude. La traversée du lac, qui m'inquiétait un peu la veille, se passe bien. Mais la glace semble de plus en plus mouillée. Je ne suis pas sûr que ça continuera de passer par là dans quelques jours si le froid ne revient pas.

Arrivé à la cabane, je vois une pulka en plus de celle de Rebecca. Elle a donc eu des collocataires hier soir finalement. Il s'agit d'une finlandaise, Anniina, qui vit à Helsinki, et de sa mère, qui ont décidé de s'essayer à la randonnée hivernale. On discute rapidement pour se donner des informations sur nos trajets respectifs, mais elles sont en train de finir de préparer leurs affaires pour repartir. Elles vont passer la nuit à Porttikoski.

Rebecca elle, vise un autre itinéraire, elle va essayer de rejoindre Suomunruoktu. Elle me confirme que vu le genre de paysages qui me plaisent, là où je vais, je devrais être servi.

Mes thermos sont pleins, il est temps de me remettre en route.

Vers Rautulampi

Le chemin est assez classique. Je traverse des zones boisées, sans grand intérêt car elles ressemblent beaucoup à ce que j'ai déjà vu jusqu'ici, sauf pour la petite rivière que la trace longe par endroits.

La piste est en légère montée, mais ça se fait relativement bien. Il y'a juste quelques petites bosses par endroit qui me donnent un peu de fil à retordre. Mais je m'en sors encore plutôt pas mal. Même si mes peaux de phoque n'arrivent pas toujours à agripper suffisamment, je lutte moins que les locaux qui utilisent des skis lisses et qui sont obligés de monter en canard.

En début d'après-midi, les zones boisées commencent de plus en plus à se transformer en toundra. Je ne dois plus être bien loin.

Le soleil, tamisé par une fine couche de nuage, dessine une belle parhélie dans le ciel.

Je vois des traces de lagopèdes de partout. Rebecca m'avait prévenu qu'il y en avait beaucoup par ici. Je ne les vois pas pour le moment. Mais si je passe une ou plusieurs journées ici, c'est sûr que je vais venir les chercher !

La trace devient de plus en plus large, de plus en plus tassée, façon autoroute. Je dois être tout près ! Ah ! Oui ! Voilà la cabane ! Et elle est belle !

Rautulampi

C'est vraiment beau ! C'est très ouvert, j'adore !

Par contre ... c'est noir de monde ! Rautulampi se trouve tout au bout des pistes de ski de fond au départ de Kiilopää et Saariselkä. Je crois que je me suis beaucoup trop rapproché de la civilisation. Mince ! Je ressens un certain malaise. Est-ce qu'en venant ici, je ne viendrais pas de mettre un terme prématurément à mon escapade loin du monde ? La population est en plus bien différente de celle que j'ai rencontrée les jours précédents. Fini les aventuriers équipés pour la survie. Ici ce sont des skieurs à la journée, plus préoccupés par le style que par l'efficacité de leur équipement.

J'aurais aimé poser ma tente une nuit de plus, mais je ne me sens pas à l'aise avec tous ces gens qui passent à côté. Rien ne m'interdit de le faire, mais ça ne m'inspire pas. Bon ... Midi est passé depuis longtemps, je commence à avoir faim. Je vais déjà commencer par aller manger à l'intérieur de la cabane et j'aviserai après. Il faut reconnaitre qu'au delà de cette surpopulation (bon ok, je dramatise un peu, tout est relatif), le secteur est magnifique et ce serait dommage de ne pas y rester pour en profiter.

Les têtes se succèdent les unes après les autres par la porte de la pièce où je me suis installé, alors que je suis en train de manger ma polenta et ma viande séchée. Beaucoup sont de simples curieux. La cabane a brûlé il y'a quelques années et a été refaite complètement à neuf dans un style moderne l'an passé. Alors ils viennent voir à quoi ça ressemble. Certains s'attardent un peu pour profiter du feu que j'ai réussi à allumer dans le poêle à bois.

En retournant dehors, l'estomac rempli, les choses commencent à s'éclaircir pour moi. Je me rends compte que la zone s'est bien vidée le temps que je prenne mon repas. Les skieurs à la journée, qui ont besoin de retourner à Kiilopää, commencent à déserter les lieux. Je vois arriver quelques pulka. L'ambiance redevient peu à peu celle des endroits presque isolés.

J'arrête une skieuse avec sa pulka qui arrive de la direction où j'envisageais de poursuivre, pour lui poser quelques questions. Elle me dit que là où j'envisage d'aller, la neige commence à être molle et difficile à pratiquer. Hum. Ok. Bon. De toutes façons, je n'étais pas non plus ultra motivé pour retourner là-bas vu que j'y suis déjà passé le premier jour. Je commence à me faire à l'idée que je vais finir mon séjour ici.
J'avais dit que je voulais prendre le temps de rester posé et ne pas forcément avancer tous les jours. Au final, je ne l'ai pas tellement fait. Il est peut-être temps de s'y mettre. En plus, mon ampoule au talon a fini par s'écorcher malgré le fait que j'y ai fait attention. Mon pied devient douloureux. Rien de trop grave, mais je ne veux pas finir comme la dernière fois.

Je ne suis quand même pas dans l'endroit le plus dégueulasse du monde.

Le groupe qui vient d'arriver avec les pulkas est un stage d'apprentissage du trek hivernal réservé aux femmes, organisé par le Suomen Latu. Il s'agit de l'organisme finlandais en charge de gérer et de promouvoir le tourisme et les activités en extérieur. L'équivalent de la STF suédoise dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler.

Elles sont donc en train de commencer à déballer leurs affaires et de monter leurs tentes à côté de la cabane. J'aurai un peu de compagnie ce soir.

Je prépare mon sac à dos avec l'appareil photo et le drone. Je mets mes skis aux pieds et je pars sur les hauteurs au dessus de la cabane, pour profiter de ma fin d'après-midi.

Raututunturi

J'emprunte la piste de nordique. Ça m'amuse, car quand je vois les locaux descendre maladroitement, j'ai l'impression d'être doué avec des skis, alors que pas du tout. La descente, ce n'est vraiment pas leur truc. Avec nos massifs et leurs reliefs plus vifs, nous sommes bien plus habitués qu'eux à ce genre de pentes.

Le soleil a commencé sa longue descente et donne des couleurs chaleureuses.

Je reste un bon moment en haut à prendre des photos et des vidéos. J'attends car j'ai envie de voir le soleil se coucher. Mais il y'a un bon petit vent, je ne me suis peut-être pas assez habillé. Et puis je vois que du brouillard est en train de monter par l'autre versant. Je ne le verrai certainement pas. La vue sera bouchée avant.

La vue est tellement dégagée ! Ce spot doit être génialissime pour observer les aurores. J'espère que ce brouillard qui va arriver ne restera pas trop longtemps et me laissera l'occasion d'en profiter.

D'ailleurs, je vais me dépêcher de redescendre avant qu'il n'arrive. Je n'ai pas envie de terminer dans la purée de pois, à ne plus voir où je vais.

Je reprends la piste, je n'ai qu'à suivre les grandes croix rouges en bois. Tiens ! Ça me rappelle quelque chose ça ! À croire que mes séjours dans le grand nord se résument à suivre des croix rouges (voir mon carnet de voyage précédent sur la Kungsleden en Suède).

Le brouillard arrive, alors j'en profite rapidement pour prendre des photos des alentours, avant qu'il ne gobe tout. C'est assez chouette avec les couleurs du soleil couchant et les quelques nuages.

En approchant de la cabane, je vois une pulka que je connais déjà. Tiens ! Étrange. Puis une longue paire de skis blancs que j'ai déjà vue. Et enfin, j'entends aboyer à l'intérieur. Rebecca est là, à ma grande surprise, car elle était censée être à Suomunruoktu. Elle me dit qu'elle a fait demi tour et changé ses plans car la glace n'est plus suffisamment bonne et que le chemin ne passe plus. Ah ! Bien content de m'être dépêché de sortir de cette zone avec plein de traversées de lacs alors.

Le secteur s'est bien vidé. Il ne reste que le groupe de femmes en formation, avec leur guide qui est en train de discuter au chaud avec nous, une française avec sa belle famille finnoise qui occupe la partie réservable, Rebecca, son chien, et moi.

Après une longue réflexion, je prends des désisions quant à la suite et fin de mon séjour. Je vais passer deux nuits ici, à la cabane, pour pouvoir profiter de ce magnifique secteur. Et pour la journée qu'il me restera, plutôt que de me forcer à trouver un endroit où aller, je vais rentrer plus tôt à l'hôtel. Comme ça je pourrai me reposer un jour de plus avant mon retour et profiter de la région en ayant plus de confort. Je regrette un peu de ne pas passer plus de temps sous la tente. Mais mon objectif principal était surtout d'en prendre plein la vue. Et il faut reconnaitre qu'entre le montage et le démontage, ça me laisse moins de temps pour me promener.

Comme je n'aurai finalement pas besoin de la bouteille de gaz que les gars m'avaient donnée au début du séjour, je la lègue à Rebecca vu qu'elle en a souvent besoin. Je préfère lui donner à elle plutôt qu'en faire cadeau à l'hôtel après le coup qu'ils m'ont fait avec l'essence. Pour me remercier, elle me propose de m'offrir une tablette de chocolat finlandais. Je refuse au début car du chocolat, j'en ai encore beaucoup trop à finir avant de rentrer, car il faut que je libère du poids dans mes bagages. Puis finalement, je me suis ravisé en lui proposant un échange. Chocolat finlandais contre chocolat français !

Le brouillard s'est bien installé. Je vais voir dehors quelques fois pour évaluer la situation. Mais c'est sans espoir. Il n'y aura pas moyen de voir les aurores ce soir.

Rebecca est allée dans la réserve de bois avec sa hâche pour ramener plein de petites bûches, pour nous faire un bon feu bien puissant. Elle me montre au passage quelques astuces pour le faire démarrer. On discute un peu de ce qu'on a vu pendant nos périples. Je lui montre les mystérieuses traces d'animaux rencontrées auparavant. Elle trouve ça trop bizarre aussi. On avait parlé du glouton peu de temps avant. Elle me dit que ça pourrait bien en être un, mais sans aucune assurance. Je lui parle aussi des cris d'animaux qui m'ont réveillé près du lac l'autre matin. Elle rigole quand je lui dis que je ne sais même pas comment les imiter tellement c'était bizarre et que ça ressemblait presque à des grenouilles. Malgré cette vague description, elle me dit qu'elle est presque sûre que ce sont des lagopèdes.

En revenant d'une petite virée dehors, je parle un peu avec la française qui occupe la partie réservable. Elle me montre sur la carte un endroit où elle est allée et qui a l'air joli. Il n'y a qu'à espérer que le brouillard se lève le lendemain pour aller voir ça.

Il est tard, je ne verrai plus rien ce soir, autant aller se coucher.

Vos commentaires :

Par Catherine Marie le 11 avril 2022 à 17:29
Vraiment Sylvain tu nous tiens en haleine ! Vas tu ramener Rebecca dans l'avion? ☺️☺️. Merci pour ce chouette récit et les belles photos.

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faut pas croire ce que disent les journaux