Jour 2 - Préparation finale à Alta
Je n'ai même pas eu besoin de mettre de réveil. Le ciel est lumineux depuis au moins quatre heures du matin ici. Et les norvégiens ne sont pas très forts sur les volets. Je me suis donc levé tôt, et c'est tant mieux, car le programme de la journée est chargé !
J'ai bien retenu la leçon de ce qui s'est passé l'année dernière. À avoir un planning trop serré, on s'expose à beaucoup plus de stress si un grain de sable vient gripper la mécanique. Alors cette fois-ci, j'ai compté plus large et je me suis prévu une journée supplémentaire à Alta avant le départ, histoire d'avoir de la marge en cas de pépin, et du temps pour faire les derniers préparatifs.
Au programme : faire les dernières courses, alimentaires et un peu de matériel. Trouver du carburant pour mon réchaud, finir de préparer les rations pour chaque jour de l'expédition, et éventuellement, en bonus, aller en repérage du trajet que je devrai faire demain dans la ville. Parce que oui, il va falloir que je traverse la ville avec ma pulka et ça ne m'enchante guère. Je ne sais pas vraiment à quoi m'attendre. Est-ce que je pourrai passer de partout ?
Mais bref, chaque chose en son temps ! Pour le moment, ma première mission est d'aller m'acheter ce qui manque.
Les courses
Me voilà parti pour le supermarché juste en face de mon logement, armé de ma petite liste. Liste tout de même assez restreinte, car je me suis embêté à emmener le principal (lyophilisés, viande séchée...) avec moi dans mes bagages. Je me suis gardé à acheter sur place tout ce qui est à peu près équivalent entre la Norvège et la France, là où je ne risque pas trop de mauvaise surprise.
Bon, ce n'est pas organisé comme chez nous, je m'y perds un peu, je mets du temps à trouver ce que je cherche, mais globalement, je finis par trouver. Sauf ! Sauf le lait en poudre pour manger mes céréales le matin. Embêtant. Je demande à une vendeuse, en lui tendant mon smartphone sur lequel est écrit le résultat donné par la traduction Google : "melkepulver". Elle réfléchit puis m'indique soit du lait concentré, soit, amusée, du lait pour bébés. Le lait concentré, ça reste du liquide, j'ai peur que ça gèle. Le lait pour bébés ... c'est pas bête ! Mais ne m'y connaissant rien, j'ai peur que ce ne soit pas tout à fait pareil. Je vais aller voir ailleurs si je trouve, mais je garde l'idée en tête.
En attendant, je me lance dans une deuxième mission en parallèle, encore plus importante.
En quête de carburant
Il me faut absolument du carburant pour mon réchaud. Et du bon cette fois-ci ! Pas comme l'année dernière ! Je voulais partir uniquement sur du gaz hiver cette année. Plus simple d'utilisation, beaucoup moins dangereux et odorant que l'essence. Mais au dernier moment, une petite voix au fond de ma tête m'a dit "Non, prends quand même de l'essence en plus d'un peu de gaz".
Je commence par tenter les deux stations service proches de mon logement. Je ne trouve pas d'essence blanche et leurs bouteilles de gaz sont de marques inconnues au bataillon. Même pas sûr que ce soit du gaz hiver. Hummm ... non ! J'ai besoin de quelque chose en lequel je peux avoir confiance.
Me voilà parti pour le magasin de sport "XXL Alta". En chemin je tente tous les supermarchés que je trouve (et ils sont nombreux !) à la recherche de lait en poudre, mais rien !
J'ai eu un moment d'hésitation à l'entrée du magasin car ils vendaient de la protéine en poudre. Je sais que ça m'est déjà arrivé en bivouac de remplacer le lait par ce genre de produit. Mais sur une si longue durée, est-ce que ce sera bon pour le corps ? J'ai souvenir que ça donnait un résultat très sucré. Est-ce une bonne idée tout ce sucre d'un coup le matin ? Bref, je continue ma quête de carburant, mais je garde l'idée au cas où.
Ce magasin, c'est le paradis pour moi ! Que des équipements pour sports d'extérieur qu'on ne trouve pas forcément chez nous !
Ouf ! Ils ont tout ce qu'il faut en carburant ! Essence et gaz hiver. Après quelques calculs sur ma consommation estimée, je repars avec deux litres d'essence blanche, puis trois petites bouteilles de gaz hiver. J'ai compté large. Très large ! Mais comme on me l'a répété plusieurs fois depuis que je suis là-bas : "Better safe than sorry !", qu'on pourrait traduire par "Mieux vaut prévenir que guérir !". Ils me disent qu'ils me reprendront ce que je n'aurai pas utilisé, alors autant jouer la sécurité. Et même en comptant large, je me demande si j'ai finalement pris assez.
Et ça qu'est-ce que c'est tiens ? Ohhhhhhhh ! Les piquets à neige de 50cm pour ma tente, que je n'arrivais pas à trouver en France ! Parfait ! J'ai bien fait de venir dans cette boutique ! 😊
Pour être sûr de ne pas m'être fait avoir une deuxième fois avec l'essence, j'ai testé le réchaud en rentrant.
Et le lait en poudre alors ?
Maintenant que j'ai le carburant, le lait en poudre redevient ma mission prioritaire.
Je lance un appel à l'aide sur les réseaux sociaux, pour qu'on me dise si la solution du lait pour bébés est viable. C'est ma pharmacienne, qui me suit depuis un moment (et qui est l'heureuse propriétaire d'une de mes photos depuis peu 😊), qui me répondra que oui, ça va le faire. Il est possible que ce ne soit pas très bon, mais pas d'autre objection.
Vendu ! Un truc "pas très bon" au chaud devient parfaitement acceptable après une nuit par -15°.
Il est proche de midi, je vais faire un tour dehors pour me trouver un resto où manger. Je vais me trouver un burger tiens ! J'ai besoin de faire du gras !
J'en profite pour faire quelques photos des alentours maintenant que le ciel s'est dégagé. Avec mon smartphone ... ça valait bien le coup de s'embêter à trimbaler des kilos de matériel photo jusque là tiens !
Les rations
Le fameux lait pour bébé est acheté. J'en ai profité au passage pour prendre quelques petits compléments : abricots secs, figues, barres protéinées...
Il est temps de me lancer dans la finition de mes douze rations. Je pense partir pour dix jours, mais je pars avec douze de vivres. On ne sait jamais ! Il suffit que je me fasse ralentir par une tempête ou une blessure et les choses peuvent rapidement partir en sucette.
Un sac par jour, soigneusement rempli et numéroté. Un autre sac pour les quelques extras.
Pour chaque jour, en gros :
- un sachet de céréales (un jour énergétique, un jour "plaisir") avec son lait,
- de la purée en flocons ou des nouilles chinoises pour le midi,
- de la viande séchée pour aller avec,
- un repas lyophilisé pour le soir,
- un dessert lyophilisé pour le soir,
- un sachet de graines pour toute la journée,
- du chocolat,
- des barres de céréales (pour le matin, le midi, l'après-midi),
- de la spiruline et des oméga 3 (conseillés par Alban).
Je suis reparti grosso modo sur la même chose que l'année dernière vu que ça m'avait bien convenu.
Je ne suis plus tout seul au Airbnb. Emily, une canadienne est arrivée pour prendre une autre chambre. Elle est sympa, on discute bien. Elle m'apprend qu'il y a un grand centre aquatique en ville, avec sauna, jacuzzi, piscine. Je note bien l'idée pour au retour de mon trek ! Ça me fera le plus grand bien ! 😊
Une autre personne arrive elle aussi un peu plus tard au Airbnb. Beaucoup plus timide, nous échangerons seulement deux ou trois mots.
Je n'aurai finalement pas le temps d'aller faire mon petit tour de reconnaissance pour voir à quoi ressemblera la traversée d'Alta. C'est dommage. Cette partie là me tient en soucis. Elle m'ennuie au plus haut point. Traverser la ville en tirant tout mon attirail, ça ne me fait vraiment pas rêver. Et surtout, ça me fera une première journée assez énorme. Je la redoute quelque peu.
Je continue mes préparatifs en retournant dans ma chambre refaire tous les sacs à mettre dans la pulka.
Je sors en début de soirée pour tester que mon système de communication par satellite, et tout ce que j'ai branché autour, fonctionnent bien.
Voilà ! J'y suis ! Tout est prêt à partir !
Gertrude, ma pulka, est toute émue car c'est la première fois qu'elle rentre dans son pays d'origine.
Elle s'est faite toute belle pour l'occasion 😊
Quant à moi ... je suis fin prêt ! À ce moment là, je suis sur-motivé ! Je ne me suis jamais senti autant en confiance avant une expédition.
J'ai le matériel qu'il faut, j'ai fait les formations qu'il faut, je me suis préparé sereinement, je commence à avoir de l'expérience, j'ai mes deux anges gardiens, Manu et Camille, qui veillent sur moi à distance en surveillant les cartes météo pour moi. Les prévisions sont pour le moment plutôt bonnes. Les estimations d'aurores boréales me sont complètement favorables. Si tout se passe bien, je devrais retrouver la tâche solaire qui a provoqué les aurores qui ont été visibles jusqu'en France fin février.
Tous les signaux sont au vert ! Je bouillonne d'envie d'y aller ! Mais il me faut encore prendre mon repas du soir et dormir avant de me lancer.
Encore une nouvelle personne arrive au Airbnb en fin de journée.
"Oh putain fait chier !"
Nous ne nous étions pas dit grand chose avec la dernière arrivante. Voire carrément rien, à part de timides salutations de base en anglais. Elle lisait au fond de la grand pièce commune. Moi je prenais mon repas à table. Pas très bon d'ailleurs. De quoi me rendre impatient de taper dans mes lyophilisés.
Tout a basculé au moment où je l'ai entendue lâcher un beau "Oh putain fait chier !" bien français.
"J'ai entendu !", lui dis-je !
Elle s'appelle Anne, elle vient de Bretagne, elle est guide à Nordkapp et de passage à Alta. Je lui explique mon projet. Elle réfléchit et me dit :
"Mais tu sais, j'ai une voiture, si tu veux demain je peux te sortir de la ville !"
P-A-R-F-A-I-T !
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